Le Temps de la Poésie : Je vais vous dire… de Carl Brouard

Source : site de Mémoires d’Encrier

Il n’est pas donné à tous de connaître une vie aussi passionnante que celle de Carl Brouard. Né fils de bourgeois , il prendra par la suite, ses distances vis-à-vis de la haute bourgeoisie haïtienne afin de se consacrer à la littérature notamment la poésie. Brouard connaîtra une vie bohémienne au bas de la ville au milieu du peuple où il se contente de lire, d’écrire et de boire. Laferrière en fait, à ce propos de vives révélations de leur première rencontre :  »je l’ai vu pour la première fois du côté de la place Saint-Alexandre, en allant à la messe avec ma mère. Recroquevillé sur des morceaux de carton, les fesses à l’air. Quand nous sommes arrivés à sa hauteur, ma mère, sans lui jeter un seul regard, me siffla : « C’est un poète ». » (La Presse , 2003)


En 2004, de ses oeuvres les plus marquantes, la maison d’édition Mémoire d’encrier en a fait une Anthologie Secrète dans laquelle figure ce poème emblématique.
Ce poème résonne tel un discours testamentaire d’un homme s’estimant heureux de la vie qu’il a connue, qui ne sombre pas dans le regret ni la peur face à la mort, cette fin ultime et certaine :
Pour notre deuxième sortie, nous vous présentons ce texte que le poète avait dédicacé à son camarade Jacques Roumain.

pour Jacques Roumain

Écoutez, compagnons,
je vais vous dire des choses…
Tout d’abord, versez à boire :
Quand j’aurai claqué, mes chers copains,
ne pleurez pas,
n’écrivez point de plaintives élégies,
surtout, ne faites pas de vers In Memoriam.
Mais que ma tombe vous soit une taverne
où l’on chante,
où l’on se saoule,
et que le rythme mystique et sensuel d’une méringue
me berce dans ce moelleux hamac qu’est
le néant.
Je vide ce verre
avec l’espoir
que les toasts qu’il me reste à faire
ne seront pas nombreux.

Roberto Louis-Charles

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